Pourchasser au soir tombant les hannetons patauds : ils lancent d’un buisson l’autre la basse bruyante de leur moteur.
Rouler et te rouler dans la prairie qui moutonne en pente vers le ru.
Jeter soudain un corps fourmillant de sèves dans la terre tout juste bêchée du potager, te retourner face au ciel, fermer les yeux tant la lumière est forte, appuyer ton dos contre l’axe du monde et éprouver en chaque fibre la sensation enivrante qu’il tourne sans à-coups et t’entraîne sur sa puissante machine pour un manège éternel.
Dans la cour, l’eau usée venue de l’évier coule librement là où s’interrompt le tuyau de plomb qui passe sous la croûte durcie par le piétinement des gens et des bêtes. Avant de se perdre en contrebas dans le jardin, au-delà du mur d’un demi-mètre de haut seulement et presque autant de large sous lequel elle s’échappe par un trou, elle imbibe en profondeur ce coin fangeux où ne poussent guère, entre les déjections de la volaille, que du plantain rabougri et le pissenlit increvable. Avec quelle joie tu patauges dans cette sanie, t’escrimant à l’aide d’un bâton à déloger les lombrics qui pullulent dans le sol gras et que viennent engloutir les canards !
Une fois la semaine Grand-mère va aux commissions dans les trois épiceries où il n’y a plus rien, dit-elle, et qui sur l’arrière font bistrot. Elle s’attarde avec les commères :
« Tu sais comme j’aime blaguer, ne t’inquiète pas, quelquefois elles me tiennent la jambe, à Alger j’appelais ça des charrettes ! »
Seul, à la garde du chien, tu possèdes alors le lieu, tu possèdes toute la terre. »
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