MARCO POLO
Marie-hélène tesnière
La BNF conserve dans ses collections un ouvrage exceptionnel richement enluminé sous le numéro ms fr 2810 dont le commanditaire était intéressé par tout ce qui concernait les échanges entre le monde latin et l'Orient. Ceci n'a rien d'étonnant lorsque l'on sait que ce mécène n'était autre que le duc de Bourgogne, Jean sans Peur.
Les rubriques des anciens inventaires fournissent rarement le contenu détaillé des livres qu'ils répertorient, les recueils n'y étant, dans la plupart des cas, désignés que par l'intitulé du premier texte qu'ils contiennent. Ainsi en est-il du ms. français 2810 de la Bibliothèque nationale de France, somptueux et imposant volume de 299 feuillets, riche de 265 peintures, passé à la postérité sous le nom de Livre des merveilles, titre de l'ouvrage par lequel il débute.
Le récit de Marco Polo (1298-1307), qui occupe les ff. 1-96v, ouvre une succession de relations de voyages en Orient, missions à la fois religieuses et diplomatiques, effectuées depuis le dernier quart du XIIIe siècle jusqu'au milieu du XIVe siècle.
Doté d'un important cycle de 85 peintures confiées au Maître de Boucicaut, objet de la présente publication, le Livre des merveilles du fr. 2810 est le premier exemplaire à posséder une illustration aussi abondante.
Évitant avec habileté la plupart des écueils que pouvait offrir la représentation de terres et de coutumes pour lui inconnues, le maître de Boucicaut a su créer une atmosphère qui lui est bien particulière. Son sens du mouvement qui évoque parfaitement l'idée du voyage, la pureté à la fois douce et lumineuse de sa palette, le goût pour des compositions dépouillées qui n'exclut jamais le détail réaliste bien observé, construisent un monde intemporel de sérénité mêlé parfois d'étrangeté qui s'harmonise profondément avec le récit.
Jean sans Peur, le duc de Berry, son oncle, possesseur de l'ouvrage dès 1413, puis les différentes bibliophiles qui le détinrent, ont sans doute ressenti cette même émotion esthétique que le Livre des merveilles ne cessera jamais de susciter.